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La Dentelle de Burano au nord de Venise en Italie

dentelle Burano Venise Italie

Écrit par Augustine De Beaumont - Mis à jour le 15 oct. 2021

Vous êtes fasciné(e) par l'aspect artistique des textiles ornés de dentelle ? Vous savez que l'Italie s'est illustrée au cours de son histoire au niveau artistique, culturel, et vous souhaiteriez en apprendre davantage sur les dentelles italiennes ? Vous connaissez déjà parfaitement les autres types de dentelle, mais souhaitez connaître les spécificités de l'industrie textile de Burano, et les raisons pour lesquelles celle-ci est devenue mondialement reconnue et célèbre ?

En écrivant cet article, nous avons tenté de vous transmettre notre amour pour la passementerie, la broderie, et la dentelle.

Vous allez découvrir dans ce récit d'un pan important de l'industrie textile italienne, les éléments suivants :

  • Les principaux lieux où cette industrie s'est développée, et les acteurs qui y ont participé
  • Les différentes techniques qui font la spécificité des dentelles italiennes
  • Les différentes institutions qui ont œuvré à son évolution et à son essor

Ainsi, vous connaîtrez les différences et les subtilités des dentelles italiennes, et vous serez en mesure de déterminer celles qui vous correspondent le mieux.

Partageons ensemble, sans plus attendre, cette merveilleuse histoire de la dentelle en Italie.

Dentelle historique et centres dentelliers en Italie : L'industrie dentellière jusqu'au milieu du XVIIe siècle.

Les premières dentelles et leurs précurseurs dans les archives et l'iconographie.

dentelle Italienne

En tant que berceau de la culture et des arts de l'Europe occidentale, l'Italie s'est fait une renommée exceptionnelle.

C'est pourquoi il est logique d'étendre cette réputation aux arts textiles et plus spécifiquement à la dentelle. La dentelle de luxe y occupait la première place, suivie par une production rurale non négligeable, et en cas plus importante qu'en Flandre et en France. Il serait faux de considérer l'Italie comme le pays de la  seule dentelle à l'aiguille. On y travaillait aussi volontiers aux fuseaux. Toute l'Italie s'adonnait à la dentelle.

Et si la dentelle aux fuseaux y était moins prisée que la dentelle à l'aiguille, peut-être était-ce parce que les travaux d'aiguille et surtout la broderie y étaient depuis longtemps entrés dans les mœurs. Les fuseaux étaient faits de matériaux divers. Les merletti a fusi désignent des fuseaux en bois. Dans l'inventaire Sforza, il est question d'ossi, de fuseaux en os. Le terme a piombini rappelle qu'anciennement les Italiens plombaient leurs fuseaux pour leur donner plus de poids.

L'Italie de la Renaissance pourrait bien être le lieu de naissance de la dentelle. Il existe en tout cas de nombreuses sources qui rappellent une origine ancienne. Les termes reticella et punto in aria, qui se rapportent au tout début de la dentelle à l'aiguille, sont indiscutablement italiens. L'Italie était un terrain favorable à ce type d'industrie. Sa puissance commerciale cosmopolite, son flair pour les opérations financières et banquières et surtout ses activités artistiques offraient un climat propice au développement de ce textile raffiné.

L'industrie de la soie et l'artisanat des fils d'or et d'argent donnaient des produits d'une qualité exceptionnelle, de sorte que la passementerie gagna en importance, tout comme la broderie dont la réputation avait dépassé les frontières. Des expressions comme Fringes of Venice et Mantil laces of white silk and Venys gold s'appliquent à la précieuse passementerie portée par Richard III lors de son couronnement en 1485. 

Quant au sobre matériau de base indispensable à la réalisation de la dentelle blanche, à savoir le lin, il était lui aussi cultivé dans le nord de l'Italie et le fut jusqu'au XXe siècle. Des comptes du milieu du XVIIe siècle mentionnent que les chanoinesses de Saint-Augustin de Crema filaient le lin dont elles faisaient un fil fin, moins fin toutefois que celui que l'on filait en Flandre. 

dentelle lin blanc

Les dames de la bonne société occupaient leurs loisirs aux travaux d'aiguille, comme le montre l'inventaire (1493) des sœurs Sforza de Milan. Si l'on en croit le texte suivant, extrait de documents successoraux, elles utilisaient des dessins de broderie, des gravures ou encore des patrons de dentelle peu compliqués :

" La mita de uno fagotto quale haveva dentro certi dissegni da lavorare le donne" soit "la moitié d'un recueil de dessins pour ouvrages de dames". L'imprimerie permettait la diffusion des recueils de modèles, ainsi que la circulation des idées concernant les graphismes et les techniques en vigueur.

L'intérêt pour les fins travaux manuels et la dentelle durant le siècle d'or de la ville des Doges, se reflète dans les dédicaces et les titres parfois ronflants des recueils de modèles italiens et souvent vénitiens. La gloria e l'honore de punti tagliati e ponti in aere soit La gloire et l'honneur du point coupé et de la dentelle à l'aiguille (1554) de M.Pagano offre des exemples de point coupé et de dentelle à l'aiguille.

dentelle à l aiguille

Il y fait mention pour la première fois de punto in aria. La Corona delle nobili e virtuose donne de 1592, oeuvre de Cesare Vecellio, était consacrée à la Signora Viena Vendramina Nani, épouse du procureur de San Marco.

Vecellio n'appréciait pas seulement son habileté à manier l'aiguille mais aussi sa persévérance et ses encouragements. Une autre dame de la noblesse vénitienne qui s'intéressait activement à la dentelle, la Signora Morosina Morosini, était l'épouse du doge Marino Guimani. En 1595. elle fonda, sur le territoire de la paroisse de Sancta Fosca, un atelier où 130 femmes pratiquaient la dentelle aux fuseaux et exécutaient d'autres ouvrages délicats : les commandes étrangères ne se firent pas attendre.

D'autres villes italiennes furent célèbres pour leur production de galons textiles.

C'est par les sermons de Savonarole que nous savons que Florence produisait des passements d'or dès la fin du XVe siècle : il reprochait aux religieuses de passer leur temps à faire des galons d'or pour l'embellissement des maisons et des habits des riches.

La France a très tôt commandé de la dentelle en Italie, entre autres à Florence. La nationalité de la reine, Catherine de Médicis, y était sans doute pour quelque chose. Elle mettait en effet, son point d'honneur, à faire la promotion de la dentelle de sa ville natale. En 1545, Marguerite de Valois, sœur du roi de France François 1er, commanda "soixante aulnes de fine de dentelle de Florence", preuve que la réputation de la production dentellière florentine était relativement solide.

La reticella constituait, au XVIe siècle, un ornement de lingerie très à la mode sur le territoire italien, mais aussi au-delà des frontières. L'inventaire des biens du défunt comte Carlo Sforza (1493), biens qui devaient revenir à ses filles Angela et Ippolita de Milan, fait état à plusieurs reprises de "lavorato a radicella", c'est à dire de "travail comportant de petits rayons".

Dans les recueils de modèles, le terme reticella n'apparaît pour la première fois qu'en 1592 et plus précisément dans la Corona de Vecellio.

dentelle punto in aria

Les motifs reticella typiques étant cependant beaucoup plus anciens. Jusque vers 1620, la reticella était généralement combinée avec un bord géométrique en punto in aria, les deux s'harmonisant parfaitement sur les fraises ou les cols Médicis et bordant joliment les tabliers et les manchettes. Il arrivait que le canevas de départ soit composé de brides minutieusement travaillées aux fuseaux et ensuite complété à l'aiguille. Les motifs de la reticella étaient souvent utilisés dans les techniques de dentelles à l'aiguille proprement dites.

La dentelle à l'aiguille libre, en dehors de tout schéma géométrique

dentelle italienne motif floral

Lorsque, vers le deuxième quart du XVIIe siècle, la mode abandonna la collerette fraisée et le col en éventail pour adopter de grands cols rabattus enserrant le cou et les épaules, l'aspect de la dentelle changea.

Le passage de la Renaissance au baroque influença également son décor : le motif géométrique fit place à la dentelle à l'aiguille italienne et à son décor floral qui agrémentèrent les cols plats très en vogue dans toute l'Europe.

La technique du punto in aria n'ayant plus à tenir compte des fils de chaîne et de trame de la toile, on pouvait, en principe, exécuter toutes les formes libres de la dentelle à l'aiguille.

Le mat de la dentelle à l'aiguille italienne de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIe siècle se caractérisait par sa densité : il ne comportait pas encore des parties ajourées ni de points de fantaisie.

Un jeu léger de petites feuilles et de fleurettes, de vases, d'animaux et de figures humaines sortait comme par enchantement du punto in aria. De somptueux portraits illustrent la mode de cette dentelle florale et dense bordant les cols plats ou droits.

dentelle a l aiguille italienne motif floral

Bartolomeo Danieli, qui se disait producteur de dentelles de profession, et qui était à la fois le dernier grand dessinateur de patrons de la fin de la Renaissance et du début du baroque, publia entre 1610 et 1643, à Bologne et à Sienne, de nouveaux patrons dont le graphisme baroque se développait parallèlement à celui de la dentelle Van Dijck.

Les motifs symétriques plus massifs comportaient de souples pétales stylisés posés sur un bord droit, dernière réminiscence de la reticella. Il fallait cependant que la frise et le bord soient en harmonie, comme le précise un passage de La galerie du Palais (1634) de Corneille :

"...la dentelle (il s'agit de dentelle de Gênes)

Est fort mal assortie avec le passement.

Cet autre n'a de beau que le couronnement".

L'Italie et la dentelle à l'aiguille

Le triomphe du point de Venise

dentelle point Venise

Organisation de l'industrie dentellière

C'est à Venise, qui en ce temps-là dictait la mode, que prit forme vers le milieu du XVIIe siècle le célèbre point de Venise dont les variétés séduisirent le marché de la dentelle. À partir de cette époque, on ne trouva plus de recueils de modèles. Ces derniers avaient toujours en effet été dédicacés à des dames de la haute société, jamais à des fabricants. Or on cessa dorénavant de voir dans la dentelle le résultat d'un passe-temps aristocratique pour la considérer comme un produit industriel et commercial. 

La production se déplaça vers des ateliers contrôlés par des fabricants. Le point de Venise était aussi réalisé dans des couvents qui le destinaient aux églises : les nappes d'autel, les aubes et les surplis patiemment exécutés par les religieuses étaient réhaussés de dentelles décoratives. Il fut toujours un produit coûteux, comme le prouvent les comptes de toutes les cours d'Europe.

Gros point de Venise

dentelle gros point de Venise

Le gros point de Venise et sa merveilleuse structure baroque faisaient partie de la fine fleur de la production dentellière. Ses grands motifs floraux et ses rinceaux entourés d'un gros relief fait d'une cinquantaine de fils lui donne un caractère sculptural exceptionnel. Les remplissages présentent des nuances subtiles dans un patron souvent losangé qui, associé au relief, suggère un jeu d'ombres et de lumière. Les motifs, une verdure luxuriante, qui constituent le décor étaient anciennement cousus l'un à l'autre.

Après 1660, ils furent assemblés au moyen de brides picotées. Le relief était enrichi à l'époque de petits arceaux festonnés et autres frivolités, aux dépens de son graphisme particulier et typique. Le terme italien punto tagliato a fogliami (point coupé et feuillages) ne désigne pas le point coupé dans le sens technique du terme, mais rappelle plutôt la beauté plastique du gros point de Venise, qui semblait sculpté dans la pierre.

Le gros point de Venise était porté à plat et son décor resplendissait sur les costumes religieux et profanes. Les chefs de la contre-réforme, qui jouèrent un rôle important dans la diffusion du style baroque en Europe occidentale, intervinrent également dans l'expansion de cette dentelle. Son caractère monumental et sculptural éclipsa, entre 1650 et 1680, toutes les autres dentelles. Il couvrit de son prestige et de son allure, comme il sied à une dentelle italienne, toute l'élite de l'Europe occidentale.

La mode féminine en fit de larges berthes. Il faisait également merveille dans le col rabat masculin tel qu'on peut le voir sur les bustes en marbre de Colbert et de Louis XIV (1686), œuvres d'Antoine Coysevox conservées respectivement au Musée du Château de Versailles et au Musée des Beaux-Arts de Dijon.

La puissance dominatrice et la primauté politique et militaire de la cour de France, à l'époque de Louis XIV, se faisaient sentir dans les arts et la culture. Le Roi-Soleil se para de cette dentelle baroque pour s'afficher et pour exprimer sa grandeur, ce à quoi le riche et monumental gros point de Venise se prêtait admirablement. Il convenait aussi, malgré la présence de légères fronces, à la réalisation de cravates.

Ce type de dentelle devint un must dans tous les cercles élitaires d'Europe, les espèces plus légères n'étant plus à la mode. Dans une comédie de Boursault intitulée Le Portrait du peintre (1663), un gentilhomme conseille à son ami de ne pas se rendre à la cour avec un col en dentelle de Flandre s'il ne veut pas être l'objet de moqueries. Il se pourrait même qu'on ne le laisse pas entrer s'il ne porte pas un col vénitien.

L'auteur rappelle d'ailleurs plus loin le succès remporté par cette dentelle : "La satire est en règne et le point de Venise, et le reste on le nomme une pure sottise".

Quoique les copies de dentelle vénitienne fussent à l'origine l'œuvre de manufactures françaises ayant à leur tête des dentellières vénitiennes, elles ne possédaient pas la puissance sculpturale et décorative des originales, et leur décor était le plus souvent symétrique, du moins lorsqu'il ne s'agissait pas de copies exactes. Le succès retentissant de la dentelle vénitienne portait néanmoins en lui-même les germes de son déclin.

Le fait que la France tenta de surpasser Venise, fut pour cette dernière l'annonce de la fin. Quelques années après la création en France des Manufactures Royales, les marchands vénitiens vendaient de la merli alla Colberta ou de la merli di Franza !

Point de rose et point de neige

dentelle rosaline vénitienne

La mode étant aux menus accessoires en dentelle, les motifs et les rinceaux de la dentelle de Venise se firent peu à peu plus petits et les reliefs moins marqués, sans que l'on touchât pour autant à son style spécifique. La rosaline vénitienne ( en italien : punto rosaline) était plus raffinée et plus féminine. Elle se développa à partir de 1675. Ses motifs étaient plus frivoles et ses fleurettes souvent réalisées en plusieurs couches.

À partir de 1685, et jusqu'en 1725 environ, la structure de la rosaline comporta des motifs encore plus petits et plus délicats ainsi qu'un relief plus prononcé évoquant des cristaux de neige. D'où, en France surtout, son nom de point de neige. De nombreux auteurs préfèrent parler d'un point de rose très raffiné. Ce type de dentelle fut également réalisé en France - et très souvent dans le style "candélabre" - et à l'école de Burano où, dès sa fondation en 1872, il se caractérisa par encore plus de picots. Portée généralement froncée, la rosaline ou point de neige donnait une impression de mouvement.

Point de Venise plat

dentelle point de Venise plat

Un type de dentelle sans relief, pouvant se froncer plus facilement, fut à la mode en même temps que la dentelle à reliefs. L'extraordinaire variété des remplissages lui donnait une allure très riche. Il n'est pas fait mention du point de Venise plat avant la fin du XVIIe siècle. Les comptes de la cour d'Angleterre mentionnent en 1689 : "

To Katherine Mulys [...] for eight yards of Very fine flatt point de Venize...".

Un superbe exemplaire de ce type de dentelle fut offert par la reine Elisabeth de Belgique aux Musées royaux d'Art et d'Histoire à Bruxelles. Il provenait du couvent anglais à Bruges. La pièce avait été donnée à Lucy Herbert, prieure du monastère, par sa mère, la duchesse de Provins qui l'avait elle-même reçue de la reine d'Angleterre, Marie de Modène, dont elle était dame d'honneur.

Elle aurait servi à décorer le berceau de Jacques III le Prétendant (1688-1766). Le gros point de Venise, le point de rose et le point de Venise plat qui en constituent le bord inférieur sont achevés par une ligne droite ornée d'arceaux, vestiges probables de l'ancienne dentelle géométrique. 

Le point de Venise plat évolua de la même façon que le gros point de Venise. Les motifs devenus de plus en plus petits donnèrent naissance à la coralline, ainsi appelée à cause des minces rinceaux du dessin dont l'aspect quelque peu confus rappelle les lignes enchevêtrées de certains coraux. Ce type de dentelle peut aussi comporter des reliefs.

Dentelle à fond de réseau

dentelle Burano à fond réseau

Selon certains spécialistes, le point de Venise plat et le point de rose étaient réalisés avec un fond de réseau, à l'exemple de la dentelle française de la fin du XVIIe siècle.

La dentelle vénitienne à fond de réseau devait concurrencer le point de France et, plus tard, le point d'Alençon et le point d'Argentan qui furent très à la mode au XVIIIe siècle et allaient finalement porter un coup mortel à la dentelle italienne.

Burano, une île de la lagune vénitienne, se spécialisa en effet dans la fabrication d'un certain type de dentelle à fond de réseau. Dans ses broderies et dentelles de 1887, Lefébure écrit : "Quelques tentatives furent faites aussi à Venise pour y introduire les dentelles à réseau travaillées à l'aiguille.

Burano donne son nom à ce genre de point de réseau, punto à reticella, sans festons, qui était d'une fabrication assez ingénieuse, mais les Vénétiens ne surent pas tirer tout le parti artistique dont il était susceptible.

Ce que l'on prend généralement pour de la dentelle à réseau vénitienne est pourtant indiscutablement de la dentelle à l'aiguille de Bruxelles commercialisée sous le nom d'Angleterre. Les dentelles à l'aiguille de Bruxelles étaient charmantes, surtout à l'époque Louis XV. Leur caractère offrait une ressemblance frappante avec la dentelle aux fuseaux de Bruxelles de la même période. Il ne fut cependant jamais question de point de Bruxelles, précisément parce que, pour des raisons économiques, la belle dentelle à l'aiguille de Bruxelles était commercialisée sous le nom de point d'Angleterre. 

C'est à cause de l'absence de terminologie que cette très fine dentelle à l'aiguille ne fut jamais unanimement attribuée à Bruxelles.

Déclin de la dentelle à Venise

dentelle Venise mariage

L'industrie dentellière vénitienne pâtit fortement de la création des manufactures françaises. Savary écrivait en 1675 : "depuis qu'il s'est établi en France des Manufactures de toutes sortes de marchandises, les Marchands n'en font plus guères venir de Venise". Vers 1670, Venise s'était vue obligée de promulguer des édits afin de sauver sa propre production. Après 1860, la plupart des dentelles de type vénitien étaient d'origine française.

Dans le courant du XVIIIe siècle, cet empire dominateur perdit son titre de centre de la dentelle française qui emportait les préférences.

Au XIXe siècle, il n'y était plus question d'industrie : la dentelle était devenue un des passe-temps de l'élite. Tous les pays d'Europe et même l'Italie ont, pour des raisons économiques, tenté d'imiter le gros point de Venise. Son remplissage fut soit travaillé aux fuseaux, ce qui était plus rapide, soit exécuté à partir de lacets et son relief typique remplacé par l'application d'un galon cousu. 

Il fut également copié aux XIXe et XXe siècles, sous la forme d'une broderie proche du point de Richelieu et réalisée, en version plus libre, selon le principe du point coupé du XVIIe siècle. Certains remplissages étaient réalisés selon les techniques de la dentelle à l'aiguille. Il arrive que ces imitations soient à ce point ressemblantes qu'elles trompent même les connaisseurs.

Burano et sa dentelle à fond de réseau

dentelle Burano

À Burano, au large de Venise, on fabriquait au XVIIe siècle de la dentelle à l'aiguille. L'île attira l'attention le jour où elle entreprit d'utiliser un fond de réseau très semblable à celui d'Alençon et seul capable en effet de s'intégrer aux décors légers des styles Louis XVI et Empire. La mode du point de gaze léger et souple du XVIIIe siècle inspira Burano qui créa donc sa dentelle typique, écrue à fond de réseau et généralement en soie.

Les mailles carrées en forme de petites échelles, étaient souvent dissemblables et les fils d'épaisseurs inégales mais leur effet nuancé exerçait manifestement un certain charme. Il se créa donc une rivalité entre les deux centres. Au lieu de travailler le bord des petits motifs autour d'un crin ou d'un gros fil, les dentellières de Burano cousaient, une fois la pièce achevée, un gros fil autour du motif, ce qui donnait évidemment un contour moins net et moins joli.

Mais souvent elles ne lui donnaient aucun relief du tout. La dentelle de Burano atteignit son apogée vers 1770, au moment où la dentelle française était dans le creux de la vague. Les archives de la famille Tiepolo témoignent de la vogue de la dentelle de Burano dans la bourgeoisie vénitienne du XVIIIe siècle.

À l'occasion d'un mariage en 1787, cette famille commanda, à une vieille dentellière de l'île, un trousseau complet en point de Burano superfin. La robe elle-même était de fabrication française, mais on estimait que la dentelle locale avait les qualités requises pour la décorer. D'après Urbani de Gheltof, ce fut la Gazetta Veneta de 1792 qui la première fit mention de la dentelle de Burano.

Vers 1820 l'industrie dentellière de Burano entra dans une crise profonde. En 1872 l'île, dont les habitants vivaient de la pêche, souffrit d'un hiver rigoureux et de la famine. Sous l'impulsion de quelques dames de la bonne société, parmi lesquelles la princesse Chigi-Giovanelli et la comtesse Adriana Marcello, dame d'honneur de la reine, et sous la protection de la reine Margherita elle-même, on ressuscita la technique de la dentelle à l'aiguille.

Une ancienne enseignante, Cencia Scarpariola, en transmit les techniques. On donna aux dentellières l'occasion de copier les dentelles anciennes, entre autres le gros point de Venise. L'école dentellière de Burano produisit également un genre de dentelle personnel et original. On reprit et agrandit la maille carrée de l'ancienne dentelle de Burano, formant ainsi un fond léger pour les grands motifs floraux classiques.

L'école dentellière était prête pour l'Exposition de Paris en 1878 où elle exposa principalement des copies de dentelles anciennes. La dentelle s'utilisait surtout dans la mode. Burano en réalisa jusqu'à la Première Guerre mondiale et l'exporta massivement en Amérique et en Russie. Vers 1900, l'île fabriqua également du point d'Alençon de qualité exceptionnelle dans la Manufacture Royale.

Dentelle de Raguse

dentelle Raguse

La petite république de Raguse (l'actuel Dubrovnik) était anciennement un centre dentellier important. Elle avait appartenu jusqu'en 1358 à Venise, et ensuite à la Hongrie. Raguse et Venise avaient toujours entretenu d'étroits liens culturels et commerciaux : Venise y négociait entre autres ses nombreux produits de luxe. Malgré la conquête par les Turcs de la presque totalité des Balkans - Raguse, république marchande indépendante, devait depuis 1526 payer tribut au sultan - il restait encore, au XVIIe siècle, des réminiscences de la domination vénitienne.

La mention la plus ancienne concernant la dentelle de Raguse figure dans l'édit français de janvier 1654 attribuant au roi un quart du produit des types de dentelles suivants : 

"passements, dentelles, points coupés de Flandres, pointinars, points de Venise, de Raguse, de Gênes, etc... La dentelle de Raguse apparaît aussi dans la Révolte des Passements (1661) où elle s'adresse à la dentelle de Venise :

"Les gens aussi fins que vous êtes

Ne sont bons que, comme vous faites,

Pour ruiner tous les états".

Des textes du XVIIe siècle prouvent que la dentelle de Raguse atteignait le niveau de celles de Venise et de Gênes, et qu'elle était, comme celles-ci, appréciée des Français. On la décrivait comme étant très fine et précieuse, ce qui n'était pas le cas de la dentelle de Gênes. On ignore pourtant ce qu'on entendait depuis toujours par dentelle de Raguse, puisqu'on n'a jamais trouvé le moindre texte décrivant sa technique ou son dessin. 

On eut autrefois tendance, semble-t-il, à attribuer à cette ville toute dentelle italienne non identifiée. Certains auteurs pensent qu'il faut situer la dentelle de Raguse entre la dentelle à bord dentelé faite à l'aiguille et formée d'un ruban étroit (première moitié du XVIIe siècle) proche sur le plan du graphisme de la dentelle au fuseaux Van Dijck, et le célèbre point de Venise. Quoi qu'il en soit, Venise ternit la réputation de sa rivale au moment où elle détruisait également sa puissance maritime dans le but de régner en maître sur l'Adriatique.

D'autres estiment que la dentelle aux fuseaux de type géométrique, une dentelle populaire qui, en Dalmatie, demeura inchangée jusqu'au XXe siècle, pouvait être considérée comme de la dentelle de Raguse. Dans son Catalogue of Italian Laces at the World's Fair de Chicago (1893), la Comtesse italienne Di Brazza Savorgnan estimait que la dentelle de Raguse était une dentelle nouée, proche du point de Turquie ou oyah et du point d'ivoire ou puncetto. Cette dentelle nouée présentait une nette ressemblance avec certains produits textiles du Proche-Orient.

Puncetto : une dentelle à l'aiguille populaire

dentelle italienne aiguille puncetto

Les Abruzzes, la Calable et la Sicile produisaient de la puncetto. Ce type de dentelle rustique qui remonte au XVIe siècle connut un succès énorme en Italie à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. On la fabrique encore actuellement dans quelques petits villages des Alpes, au pied du mont Rose, entre la Lombardie et le Piémont, à Gandino et dans la vallée de Grigioni.

Gandino, dans le nord de l'Italie, était à la fin du moyen-âge un centre textile célèbre pour ses matières colorantes rouges. A la fin du XVIe et au XVIIe siècle on y réalisait des ornements liturgiques de qualité exceptionnelle et entre autres de la dentelle aux fuseaux du type milanais et de la puncetto. Quoique cette dernière soit réalisée à l'aiguille, elle ressemble davantage à la dentelle nouée qu'à la dentelle à l'aiguille.

On la noue sur le doigt, sans patron. Elle est très longue à faire, solide, et donc chère. Sa structure est généralement géométrique, très soignée et variée. En raison de ses moyens techniques limités, on ne peut en faire que des bandes relativement étroites. La puncetto des XIXe et XXe siècles a tendance à être plus légère mais non moins parfaite pour autant. La dentelle bibila (Chypre et Arménie) est une dentelle analogue réalisée selon le même principe. Ses petits motifs représentent souvent des fleurs travaillées en fils de couleur. On l'appelait surplace dentelle arménienne, oyah ou dentelle de Smyrne.

L'Italie et la dentelle aux fuseaux

L'Italie et Venise : Productrices polyvalentes de dentelles

dentelle italienne aux fuseaux

Venise et sa dentelle à l'aiguille jouissent depuis toujours d'un prestige énorme, au point que, même si rien ne le prouve, c'est à Venise que l'on situe les origines de la dentelle à l'aiguille. Il est évident que, vu leurs nombreuses relations culturelles et économiques, la Flandre et Venise se sont échangé les impulsions, les idées et les buts qu'elles poursuivaient touchant la réalisation de la dentelle et de ses produits annexes.

Venise devint finalement célèbre pour sa dentelle à l'aiguille, la Flandre inscrivit à son palmarès le développement de la dentelle aux fuseaux. Venise a pourtant joué un rôle important dans l'industrie de la dentelle aux fuseaux et si celle-ci était moins célèbre que la flamande c'est surtout parce que le lin utilisé était de moindre qualité. La dentelle aux fuseaux italienne a toujours voulu imiter la dentelle à l'aiguille qui remportait un réel succès.

Elle ne copiait pas seulement ses dessins mais s'inspirait également de son caractère. Ce qui veut dire concrètement que le mat de la dentelle aux fuseaux se travaillait de façon serrée et fermée, offrant presque exclusivement un bord intact de façon à égaler la beauté noble du majestueux point de Venise.

Des inventaires du XVIe siècle montrant que Venise a toujours fait de la dentelle aux fuseaux , ce que confirme le recueil Nüw Modelbuch allerley Gattungen Däntelschunür de Froschauer (1561) qui signale que la dentelle aux fuseaux fut importée à Zurich en 1536 par des marchands italiens ou vénitiens. En 1557, Le Pompe fit paraître à Venise un recueil entièrement consacré à la dentelle aux fuseaux.

Contrairement à la dentelle à l'aiguille, née de la broderie et donc d'une occupation aristocratique, la dentelle aux fuseaux est issue de l'artisanat de la passementerie. C'est la raison pour laquelle les premiers recueils de modèles destinés à une élite, n'y accordaient que peu d'importance. L'aspect universel du style de leurs dessins apparaît également dans le Teatro delle nobili et virtuose donne édité à Rome en 1616 par Elisabetta Catanea Parasole qui dessina entre autres des modèles de dentelle aux fuseaux d'une exécution facile et d'origine manifestement flamande.

D'autres auteurs de recueils de modèles, comme Vecellio, dessinaient principalement des patrons destinés à la dentelle à l'aiguille mais signalaient que certaines d'entre eux pouvaient être réalisés aux fuseaux. C'est pourquoi il est clair que de nombreuses pièces de dentelle à l'aiguille et aux fuseaux sont nées d'un même dessin. Les patrons si élégants et si typiques de Danieli pour la dentelle à bord festonné, s'y prêtent d'ailleurs parfaitement.

Ce fut pourtant la dentelle à l'aiguille qui l'emporta à Venise à partir du milieu du XVIIe siècle. Et si l'on y faisait de la dentelle aux fuseaux, c'était en imitant les caractéristiques de la dentelle à l'aiguille et très souvent du gros point de Venise. C'est ainsi que Venise exécutait, à destination du marché espagnol, de la dentelle dont le ruban aux fuseaux était explicitement bordé d'un épais cordon.

Point de Gênes

Dentelles d'or, d'argent et de soie

dentelle-point Gênes

La ville de Gênes s'était consacrée, depuis le XVIe siècle, à la production de dentelle ou de passementerie d'or, d'argent et de soie. On les mentionne pour la première fois dans les comptes vestimentaires de la reine Elisabeth (1533-1603) : il s'agit de dentelles de soie noires et polychromes très à la mode à l'époque.

Dans son recueil de modèles de 1559, Le Pompe publiait plusieurs patrons destinés, disait-il, "per poter far, d'oro, di sete, di filo".

Le fil d'or était réalisé à Gênes, le fil de soie venait de Naples. Les archives locales mentionnent beaucoup de dentelles dans les inventaires, entre autres dans ceux de la famille Doria (1583) une des familles les plus riches et les plus en vue de la république génoise.

Y figurent une garniture en dentelle et, parmi le linge de maison, 6 paires de draps en toile de Hollande bordés de dentelle d'or d'une largeur de trois doigts. Fort peu de ces dentelles ont malheureusement été conservées : dès qu'elles montraient des traces d'usure, elles échouaient dans les creusets. Quant à la soie, c'est une matière périssable qui ne résiste au temps que conservée dans d'excellentes conditions.

Les lois somptuaires en vigueur à Gênes à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle, interdisaient le port de dentelle d'or et d'argent. Mais puisqu'on pouvait se pavaner en dentelle de fil, la ville se reconvertit dans l'industrie de ce type de dentelle.

Dentelle de Gênes en lin blanc

dentelle Gênes lin blanc

La dentelle de Gênes est une dentelle aux fuseaux très décorative à fils continus et dont le bord a la forme d'un feston. Lorsque le dessin devient trop compliqué, on utilise également la technique du crochetage. La structure comporte des rosaces en forme d'œillets stylisés dont l'élément décoratif essentiel est le plus souvent le grain d'orge.

Les rubans continus qui constituent le motif sont soit accrochés à une multitude de grains d'orge, soit eux-mêmes réalisés au moyen de cette technique et on peut alors les comparer à la tresse vénitienne. Le point d'esprit était une invention nouvelle et il ne semble pas qu'il y ait été employé précédemment en Flandre ou à Venise. Dans les archives, la dentelle de Gênes était appelée point de Gênes malgré le fait que le terme point a trait à la dentelle à l'aiguille.

L'aspect de cette dentelle est analogue à celui de la dentelle à l'aiguille du fait de son mat serré et robuste. L'épais fil de lin de Lombardie renforce cette cette impression. Dans la révolte des passements, la dentelle de Gênes était dépeinte comme une dentelle un peu grossière "ayant le corps un peu gros".

On la signalait également dans la comédie de Corneille La Galerie du palais (1634) : " Voilà du point d'Esprit, de Gênes et d'Espagne ".

La fabrication de pièces entières, mouchoirs, tabliers, cols ou napperons en dentelle de Gênes, semble avoir rencontré plus de succès que la dentelle a u mètre.

Il existe un lien direct entre l'essor de cette dentelle aux fuseaux typique et les modèles de cols de l'époque Louis XIII.

Le col se portant plat, la dentelle aux fuseaux et la dentelle à l'aiguille légères et linaires ne lui auraient donné a aucun éclat alors que la dentelle de Gênes contrastait merveilleusement avec le métal de l'armure ou avec les soies et les velours de couleur sombre.

Le portrait du prince d'Orange Frédéric-Henri, œuvre de Mierevelt (Amsterdam, Rijksmuseum), nous montre un col plat et des manchettes bordées de dentelle de Gênes. Celle-ci développa son caractère propre au cours de la première moitié du XVIIe siècle. Des documents d'archives montrant qu'au XVIIe siècle la ville de Gênes exporta massivement ses dentelles vers la France qui la mentionne, au même titre que celle de Milan et de Raguse, dans des édits et des documents concernant l'impôt.

Réalisations d'autres genres de dentelle et déclin de l'industrie dentellière génoise

Les premiers signes d'un évident malaise se firent sentir dès la fin du XVIIe siècle. Colbert mettait la dentelle de Gênes et celle d'autres villes d'Italie sur le même pied et en interdit radicalement l'importation en France.

Il en autorisa toutefois la fabrication dans la Manufacture de Normandie. Dans Le Parfait Négociant de 1675, Savary écrivait que l'industrie dentellière de Gênes déclinait rapidement "mais, ajoutait-il, depuis qu'il s'en est établi une Manufacture en France, il en vient à présent fort peu, la raison est, qu'ils sont plus fins et à meilleur marché en France qu'à Gênes".

La dentelle génoise typique a bravé les siècles et on a l'impression qu'elle a échappé à l'influence du baroque et de son jeu de lignes élégant et mouvementé. Gênes fabriquait également, et sans doute simultanément, de la dentelle de Milan sous le nom de dentelle de Gênes, appellation qui apparaissait d'ailleurs beaucoup plus souvent que celle de Milan, alors qu'à partir du milieu du XVIIe siècle, cette dernière était particulièrement à la mode.

La côte ligurienne et la dentelle

dentelle italienne rapallo

L'art de la dentelle n'était pas seulement pratiqué à Gênes, mais sur toute la côte ligurienne. Les villes de Rapallo et de Santa Margherita en étaient des centres importants. Leurs dentellières étaient pour la plupart des épouses et des filles de pêcheurs de corail, comme en témoigne la comptabilité de la paroisse de Santa Margherita (1592) où l'on trouve des dons consistant en filets de pêche au corail et en dentelles offerts à l'église pour implorer un retour à bon port. Chiavari se spécialisa au XVIIe siècle en une sorte de dentelle à lacet continu dont le fond était rempli de dentelle aux fuseaux ou de dentelle à l'aiguille. 

Au XIXe siècle, ce type de dentelle voisin de la dentelle de Milan, exécuté également à Rapallo et à Santa Margherita et appelé vermicelli, punto  di Rapallo ou Liguria, n'avait rien perdu de sa renommée.

La dentelle d'Albissola (XVIIe siècle) était célèbre depuis longtemps. Travaillée aux fuseaux en fil blanc ou noir, ou en soie de couleur, elle était anciennement exportée vers les grandes villes espagnoles de Cadix, Madrid et Séville ou en Amérique du Sud.

Ses dessins floraux étaient très légers. Les dernières dentelles fines d'Albissola furent achetées par des négociants de Milan à l'occasion du couronnement, dans leur ville, de Napoléon Ier. Les habitantes des campagnes d'Albissola faisaient beaucoup de dentelle aux fuseaux en chanvre naturel ou noir.

Le macramé génois vaut la peine d'être mentionné car, s'il n'appartient pas à la catégorie des dentelles aux fuseaux ou à l'aiguille, il occupait une place importante dans l'achèvement du linge. Des bandes de macramé, frangées ou non, servaient au début du XVIIe siècle à border les fichus inspirés de la mode turque, sortes de châles noués en turban.

Le macramé était essentiellement exécuté par les jeunes filles de l'Albergo de' Poveri à Gênes même, et à Chiavari, le long de la côte ligurienne. Ses techniques et sa structure se perfectionnèrent au cours du XIXe siècle, à tel point qu'il obtint un prix à l'Exposition de Paris en 1867. Le macramé faisait nécessairement partie du trousseau de mariage des jeunes génoises et s'écoulait facilement dans la région. On l'exportait aussi en Amérique et en Californie.

Point de Milan

Les plus anciens témoignages

dentelle point Milan

Milan et ses environs peuvent, tout comme Gênes, s'enorgueillir d'une industrie passementière qui donna naissance, vers le milieu du XVIIe siècle, à la dentelle aux fuseaux en fil blanc caractéristique dite de Milan. Les références les plus anciennes touchant la dentelle ou des ouvrages similaires datent de la fin du XVe siècle. Dans des inventaires de 1493 concernant les biens des Milanais en vue, figurent des tarnete, faites d'or et d'argent, a gruppi, a guggia et a ossi.

Le vêtement de Bianca Maria Sforza s'ornait d'"una ternetina aurea stricta circum". En 1519, à l'occasion d'une fête, Henri VIII d'Angleterre commanda de la dentelle de soie violette devant servir à border une culotte. Quant à Jacques Ier d'Angleterre il commande en 1606 "One suit with cannons thereunto of silver lace shadowed with silk Milan lace". 

La mode milanaise était très voyante du fait de l'abondance de "cordelettes et de rubans à nœuds et d'ornements transversaux". On possède datant de 1607, plusieurs descriptions des toilettes et ornements ayant servi aux défilés organisés à l'occasion des fêtes célébrées lors de la naissance du prince d'Espagne. Si l'exportation massive de dentelle de Milan au début du XVIIe siècle souligne l'importance de la production, elle fut également la cause de plusieurs interdits d'importation. Un décret français de 1613 ayant pour but d'endiguer l'engouement pour les produits de luxe étrangers, interdisait le port de broderie d'or et d'argent et plus particulièrement de "passement de Milan ou de façon de Milan".

Mentions particulières datant de la seconde moitié du XVIIe siècle

dentelle milanaise

En 1679, une loi milanaise interdisait le port de dentelles étrangères d'or et d'argent et de dentelle à l'aiguille, alors qu'elle autorisait la dentelle aux fuseaux d'or, et d'argent ou de fil de lin blanc milanaise. En 1691, une loi toscane obligeait à marquer et à taxer toutes les dentelles étrangères, et parmi elles celles venant de Flandre, de Milan ou d'ailleurs qui constituaient, semble-t-il, une menace pour la situation économique. 

En 1693, les dentellières de Milan demandèrent que soit annulé un décret menaçant leur propre production. Plusieurs documents d'archives révèlent qu'il s'agissait chaque fois de dentelles faites de fils métalliques, de soie, ou de lin blanc. On observe souvent une similitude de structure entre la dentelle blanche et les autres, celles-ci évoquant en outre le jeu de lignes de la dentelle à l'aiguille vénitienne.

Signalons à ce propos la dentelle typique dont le motif en ruban entouré d'un cordonnet épais rappelle le célèbre gros point. La dentelle de Milan imitait en tout le style de l'illustre dentelle à l'aiguille vénitienne et, lorsque celle-ci rapetissait ses motifs, comme dans le point de Venise à la rose ou la coralline, elle s'adaptait et fragmentait ses décors.

Caractéristiques de la dentelle de Milan 

dentelle de Milan

La dentelle de Milan en fil de lin blanc est considérée comme la dentelle italienne baroque par excellence. Elle se caractérise par un bord droit et un feuillage formé d'un ruban continu large ou étroit en point de toile, la bissèta, qui, outre des fleurs et des branches graciles, représentait parfois des insignes, des blasons ou des scènes entières. Il arrivait qu'on y intégrât un réseau d'ornement. Les grandes fleurs massives au tracé net appartiennent à la production de la seconde moitié du XVIIe siècle, les fleurs plus petites à celle du XVIIIe.

Vers le milieu du XVIIe siècle, les motifs  étaient reliés par un fond de brides, alors qu'à partir de 1670 la dentelle pouvait avoir un fond de réseau aux fuseaux qui, à l'origine, était souvent fait de mailles irrégulières, caréres ou rondes. Au XVIIIe siècle, la maille se raffina et l'on y trouvait des fonds qui rappelaient la dentelle de Paris ou de Valenciennes. La dentelle de Milan étant exécutée à fils coupés, le fond entourant les motifs était le plus souvent travaillé dans plusieurs directions. Il arrivait également qu'il fût réalisé à l'aiguille. La dentelle aux fuseaux milanaise en fil de lin blanc peut être comparée à la dentelle de Flandre à fils coupés, mais on en réalisait également en Espagne.

À la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle on trouvait à Milan, mais aussi en Flandre, à Gênes, en Europe centrale et orientale, une variante pleine de fantaisie de la dentelle à fils coupés, l'occhiolini, parfois sans fond, parfois avec un fond de maille ronde. La dentelle à petits trous, au dessin parfois confus, est faite d'un ruban continu s'enroulant sur lui-même et contournant ça et là un fragment de fond de neige. Ce type de dentelle descend tout droit de la passementerie qui réalisait la même structure en or, en argent, ou en fil de soie.

La dentelle de Milan au XVIIIe siècle

Les changements apportés à la mode vers 1700 portèrent un grand coup à l'industrie dentellière de Milan. Celle-ci fut cependant moins touchée que Venise par la fondation des manufactures françaises. Vers 1730, l'engouement de l'Italie pour la dentelle étrangère précipita la production dentellière italienne, et plus particulièrement milanaise, dans le creux de la vague.

Ce déclin alla de pair avec l'essor de la dentelle campagnarde : elle commençait en effet, à jouer un rôle important dans le costume régional et , spécialement au cours des deuxième et troisième quarts du siècle, dans les villages du Piémont, des Abruzzes, de Calabre et de la Sicile. La dentelle était réalisée au moyen de fils relativement épais fabriqués sur place. Son décor s'inspirait souvent de styles des années passées. En 1765, un français, Monsieur de Lalande, ayant visité Milan, écrivant : 

"les dentelles faisaient autrefois un objet de commerce à Milan ; mais on n'y en fait plus que de communes". Et Peuchet, dans son Dictionnaire de 1799-1800 notait à propos de cette dentelle plutôt grossière : "Dentelles en fil. Elles sont très communes. cette fabrique n'a rien qui puisse nuire aux fabriques françaises de même espèce, ni pour la concurrence, ni même pour la consommation de Milan : Beaucoup sont employées par les paysannes de la Lombardie. La plus fine peut procurer quelques manchettes d'hommes d'un prix fort modique".

L'industrie dentellière dut cependant conserver une certaine signification sur le plan économique jusque vers la fin du XVIIIe siècle, puisque, dans leur requête adressée au roi de France en 1767, les fabricants de dentelles d'Auvergne, demandaient la suppression des taxes d'exportation afin de pouvoir ainsi faire concurrence à Cadix, au Piémont, à Milan et à la Flandre qui conquéraient le marché étranger.

La diffusion de la dentelle de Milan et la dentelle de Milan au lacet

dentelle Milan au lacet

Il est clair que toutes les dentelles de ce type n'étaient pas réalisées exclusivement dans cette ville, mais dans toutes l'Italie ; à Venise, sur la Riviera, à Gênes et sur la côte ligurienne, dans les Abruzzes, à Naples sous le nom de punto di Napoli, et aussi à l'étranger.

On réalisait également de la dentelle aux fuseaux de ce style en Lombardie à la fin du XVIIè siècle. Celle-ci avait des ramifications en Autriche et dans les pays slaves, mais on la trouvait aussi dans les montagnes du centre de l'Italie. Une fois tombée en décadence, la dentelle émigra vers Cantu, une petite ville située non loin du Lac de Come et qui, depuis le XVIe siècle, perpétuait une tradition dentellière vivace.

Nous retrouvons le principe du lacet continu de la dentelle milanaise dans la dentelle populaire réalisée dans pratiquement tous les centres dentelliers d'Italie.

Dès sa naissance au XVIIe et jusqu'au XXe siècle la dentelle de Milan fut imitée de façon très particulière. Un lacet traçait le dessin et un réseau d'ornement en dentelle à l'aiguille remplissait les vides. On utilisait souvent cette dentelle milanaise à lacet continu ou mezzo punto, qui est une dentelle mixte, pour les pièces de grande taille parce que, vue de loin, elle ressemblait à la dentelle de Milan du XVIIe siècle. Aussi l'employait-on pour le linge d'église, les nappes, les couvre-lits et les bordes de tentures.

On utilisait à cet effet une riche variété de lacets exécution aux fuseaux ou à l'aiguille. Puis on passa peu à peu aux bandes tissées à la machine et d'une exécution beaucoup plus rapide. Dans la première moitié du XVIIe siècle, le dessinateur italien Danieli publia plusieurs projets dont s'inspira cette dentelle d'imitation. 

À la fin du XIXe siècle on exécutait dans toute l'Europe de la dentelle de Milan faite d'un ruban tissé à la machine et de remplissages en dentelle à l'aiguille entre les motifs. Elle acquit une certaine renommée en Angleterre sous le nom de Branscombe point.

La dentelle italienne à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle

Le retour en force de la dentelle

Lorsque, à la fin du XVIIIe siècle, suite au manque d'intérêt du monde de la mode, et au XIXe, à cause du phénomène universel de la concurrence exercée par la dentelle mécanique, l'industrie italienne de la dentelle se retrouva au creux de la vague, elle parvint à se maintenir de façon latente comme activité domestique. On s'efforça de relancer la production pour répondre à la demande de dentelles pour usage personnel, notamment pour les costumes régionaux, ainsi qu'à celle des touristes.

Les préoccupations sociales jouèrent ici un rôle important à partir du dernier quart du XIXe siècle : on désirait arracher les ouvrières aux lieux de perdition que représentaient les fabriques, leur donner un salaire décent et les mettre à l'abri de l'exploitation en éliminant les intermédiaires.

C'est pourquoi les patrons, les nobles, et les bourgeoises aisées unirent leurs forces afin de rendre sa dignité à l'art de la dentelle. On remit les techniques au point en récupérant d'anciens modèles dans les couvents ou chez les dentellières âgées qui avaient connu le temps de la splendeur.

On créa des produits locaux typiques mais on copia aussi, et massivement, des dentelles historiques. De toutes les dentelles italiennes, ce fut le gros point de Venise que l'on imita avec le plus de passion et en quantités énormes dans toute l'Europe.

La très ancienne reticella et le punto in aria étaient également appréciés. Les dentelles italiennes n'étant pas les seules en vogue, les différente sortes de dentelles flamandes ou françaises copiées en Italie eurent elles aussi beaucoup de succès.

Les diverses régions dentellières d'Italie

La Lombardie et Cantu

dentelle Cantu Lombardie

La dentelle reparut par exemple en Lombardie où, dans les ateliers, les couvents et les écoles, on s 'appliqua à la réalisation de filet brodé destiné entre autres à l'exportation vers Paris et Berlin. En 1904 on fonda des ateliers de dentelle à Mariano Cornense et à Canonica, grâce à l'intervention de don Borroni, d'Elena Porta Arnaboldi et de la comtesse Taverna.

À Cantu, en Lombardie, dont la tradition dentellière remontait au XVIe siècle, les bénédictines introduisirent, vers 1870-1880, la dentelle au torchon et surtout la dentelle de Milan. A la fin du XIXe siècle, cette région était un des plus importants centres dentelliers d'Italie.

En 1903, la cooperativa nazionale delle Industrie Femminili Italiane qui subissait l'influence du mouvement Arts and Crafts et essayait de faire revivre le travail manuel de qualité, prit certaines initiatives. Cantu était à l'époque un centre dentellier très important, chaque habitante y faisant de la dentelle pour des firmes locales. En 1883, on y avait fondé une école dentellière, Regia Scuola per le Arti des Mobile e del Merletto, qui, au début du XXe siècle, travaillait en collaboration avec l'école industrielle. Cette association favorisa non seulement la qualité artistique et technique mais donna aussi un nouvel élan aux dessinateurs. Au cours du XXe siècle, la ville se spécialisa dans la dentelle rococo.

La région de Venise

Burano, îlot de la lagune de Venise, et Pellestrina, une petite ville sur la terre ferme à proximité de Burano, devinrent d'importants centres dentelliers. La dentelle à l'aiguille avait connu un nouvel essor à partir de 1872, nous l'avons dit.

En 1874, sous l'impulsion d'un homme d'affaires, Michelangelo Jesurum, on fonda à Pellestrina, dont la dentelle était de piètre qualité, une entreprise ambitieuse. On s'y spécialisa d'abord dans l'étude et la production de dentelles antiques pour passer ensuite rapidement à tous les types de dentelle. 

À partir de 1875, Jesurum lança la dentelle polychrome, une spécialité d'une beauté sublime. On y utilisait pour représenter la faune et la flore, plusieurs couleurs et plusieurs gradations d'une même teinte, et ces nuances, combinées avec des couleurs contrastantes, donnaient un très bel effet d'ombre. Au début du XXe siècle, la firme se spécialisa dans la rosaline belge qu'elle combinait, dans les sets de table, avec de la dentelle à l'aiguille de Burano.

La rosaline était commandée en Belgique. Les sets de table étaient surtout destinés à l'exportation vers l'Amérique. La firme Jesurum connut le succès : en 1906 elle employait 2300 personnes.

La Ligurie et Gênes

dentelle Ligurie

La dentelle avait donc connu en Ligurie et plus spécialement à Gênes une longue histoire et ce n'est que dans le courant du XIXe siècle qu'elle avait sombré dans l'oubli. Sa production se transporta vers les petites villes côtières d'Albissola, Portofino, Rapallo, Santa Margherita qui avaient déjà un long passé comme centres dentelliers et qui, au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, devinrent prospèrent grâce à l'afflux des touristes.

Les dentellières de ces villes remportèrent de nombreux prix et mentions dans des expositions nationales et internationales. On pourrait diviser la dentelle de Ligurie des XIXe et XXe siècles en quatre types :

  • la guipure Hispano-Moresque ou grecque, aussi appelée point de Gênes frisé;
  • la vermicelli de Rapallo et de Santa Margherita;
  • la dentelle dont le décor s'inspire de la dentelle aux fuseaux milanaise et un quatrième type, 
  • la fugio, une dentelle de tulle très transparente.

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, on y réalisait également aux fuseaux de la blonde noire et de la dentelle de Chantilly. 

La manufacture Mario Zennaro ouvrit ses portes à Rapallo en 1900. Pendant plus d'un demi-siècle elle déploya une activité intense, entre autres dans le domaine de la traditionnelle dentelle de Gênes. Mario Zennaro (1881-1962), au  départ un marchand de tissus et de dentelles originaire de Padoue, ainsi que sa sœur ont apporté au monde de la dentelle une contribution importante. Zennaro s'intéressait aux diverses activités et aux institutions qui, au tournant du siècle et dans toute l'Italie, encourageaient la renaissance de la dentelle.

Il connaissait les écoles de Brazzà et de Fagagna dans le Frioul, la célèbre institution Aemilia Ars à Bologne et Le Industrie Femminili Italiane, fondée en 1903 sous la protection de la reine Margherita. Il entretenait également des contacts avec Pellestrina (Michelangelo Jesurum) et Burano dont respectivement les dentelles aux fuseaux et à l'aiguille représentaient pour la population féminine une activité non négligeable. C'est probablement aiguillonné par l'esprit de ces fondations qu'il créa à Rapallo sa propre manufacture inspirée plus particulièrement de cette de M. Jesurum à Pellestrina.

La Fondation Aemilia Ars à Bologne

fondation dentelle Aemilia ars Bologne

À la fin du XIXe siècle la comtesse Lina Cavazza Bianconcini de Bologne fit restaurer sa collection de dentelles et copier certaines pièces qui en faisaient partie. Cette initiative s'inscrivait dans l'esprit de l'époque qui s'intéressait aux travaux manuels anciens.

Entretemps, en 1898, s'était crée, à l'initiative de la noblesse de province et de quelques artistes, la fondation Aemilia Ars, une association dont le conseiller était l'époux de la comtesse Bianconcini. L'activité dentellière s'affilia à cette fondation.

Le problème de l'imitation répétée des mêmes dessins fut abordé en 1899 dans une publication éditée à l'occasion d'un concours. On désirait ardemment susciter un renouveau au sein des arts appliqués et ceci dans l'esprit de Arts and Crafts, une association anglaise qui avait des ramifications dans toute l'Europe. Ce souhait enthousiaste de rénovation de toutes les formes d'art appliqué eut à affronter des contretemps d'ordre économique.

En 1903, seules les sections de la broderie et de la dentelle étaient encore en activité. La fondation avait pour but d'enrayer la production de dentelles commerciales et laides qui envahissaient le marché et ternissaient l'image de la dentelle italienne. Elle créa des modèles nouveaux, mais réalisa surtout des copies du XVIe siècle et du XVIIe siècle en point coupé et en punto in aria. Ces copies sont la perfection même et seule cette perfection permet parfois de les distinguer des originaux.

Les dentellières travaillaient souvent d'après des modèles du bolognais Danieli, de Vinciolo ou de Vecellio. Une de leurs réalisations les plus importantes fut l'exécution de tous les dessins du recueil de modèles d'Archangelo Passerotti, imprimé à Bologne en 1591 et dédicacé à Margherita Gonzague d'Este, duchesse de Ferrare. Quoique ses dessins fussent généralement destinés à la broderie, ils furent adaptés à la dentelle. La fondation réalisa aussi, mais dans une moins large mesure, de la dentelle aux fuseaux.

La province du Frioul

dentelle de Gorizia

Les activités dentellières de cette province, et plus particulièrement de Gorizia, doivent leur origine à l'arrivée, en 1672, de six sœurs ursulines de Liège venues dans le but de fonder un couvent. Leur enthousiasme pour la dentelle s'étendit à la ville et aux villages environnants qui firent de la dentelle aux fuseaux une occupation traditionnelle. On découvre avec étonnement que, dans les recueils d'échantillons du XVIIe et du XVIIe siècle de ce couvent, ne figurent pratiquement que de la dentelle à fils continus du type flamand, c'est-à-dire de la dentelle de Flandre et de Binche.

Il n'y avait toutefois pas qu'à Gorizia que l'on réalisait de la dentelle aux fuseaux à la fin du XIXe siècle. Udine produisait de la dentelle à lacet continu, très soignée mais pas très originale, assez semblable à celle que l'on faisait en Europe centrale. Idrija, qui dépendait anciennement de Tolmino, et appartint ensuite à la Yougoslavie, devait l'apparition de la dentelle, dans la première moitié du XVIIIe siècle, aux femmes de mineurs de Bohême.

Cette dentelle qui n'avait aucune parenté avec celle de Gorizia, se créait directement sur le carreau, sans l'aide d'un patron. Au XVIIIe siècle, on en expédiait à Linz et à Vienne.

L'intérêt porté par l'impératrice Marie-Thérèse et les avantages qu'en retirait l'industrie locale étaient bien réels. L'industrie dentellière dépassait les limites du district. Ce n'est qu'en 1876 que fut créée à Idrija une école spécialisée en dentelle à réseaux clairs. 

La ville donna son nom, Idrija, à l'actuelle dentelle yougoslave, une dentelle à lacet continu réalisée avec sept paires de fuseaux. On y trouve des références à la dentelle russe, entre autres des fils rouges et bleus utilisés dans les bandes servant aux costumes folkloriques.

Parmi les créations nouvelles du début du XXe siècle se trouvent un petit nombre de dentelles Jugendstil dignes d'intérêt. L'influence viennoise est indéniable dans les pièces provenant de l'école dentellière de Gorizia ou dans celles qui furent réalisées dans les écoles royales d'Idrija. Les écoles coopératives de Brazzà et de Fagagna, fondées respectivement en 1891 et 1892 par Cora Slacomb, épouse de Savorgnan de Brazzà, se consacraient à la dentelle aux fuseaux.

On aurait pu craindre une certaine uniformité dans ce genre de production, mais à partir du XXe siècle, Brazzà se spécialisa davantage dans les motifs russes, alors que Fagagna se consacrait aux pièces plus lourdes et plus tarabiscotées.

La Toscane

dentelle Toscane

Est-ce parce qu'elle était depuis toujours célèbre pour sa broderie que la Toscane ne fit que sporadiquement de la dentelle aux fuseaux ou à l'aiguille ? Malgré l'absence de tradition, on y réalisa de la dentelle aux fuseaux vers la fin du XIXe siècle, le plus souvent comme complément indispensable au travail à la campagne, ce qui fut d'ailleurs à l'origine d'un véritable progrès économique. Sienne, célèbre depuis longtemps pour ses broderies raffinées, mais aussi Lucca, Arezzo, Pise, Florence et d'autres villes produisaient des copies de dentelles historiques.

Les religieuses génoises du couvent de Sancta Maria degli Angeli à Sienne réalisaient, au début du XIXe siècle, de la dentelle aux fuseaux et de la broderie d'or et d'argent d'une beauté exceptionnelle.

On ne peut passer sous silence les nombreuses et grandes entreprises, florentines entre autres, qui procuraient du travail à une bonne partie de la population toscane. On développa de nouveaux types de dentelle comme la Tavarnelli, une dentelle à l'aiguille du type vénitien, utilisée dans le linge de maison et même dans les chaussures. 

En 1900, Ginna et Adèle Marcelli, les deux filles d'un instituteur local, fondèrent à San Sepolcro une manufacture de dentelle aux fuseaux. La technique y était enseignée par une dame qui elle-même la tenait d'une religieuse d'origine flamande. L'école acquit peu à peu une excellente réputation. On y faisait surtout de la dentelle aux fuseaux du genre passementerie.

Plusieurs anciennes élèves de cette école fondèrent des ateliers plus modestes dans les environs.

Les Abruzzes

dentelle Abruzzes

En Italie, comme partout en Europe, la dentelle se pratiquait comme un art populaire, et il est parfois délicat et difficile de distinguer celle-ci de la dentelle de style. Parmi les petites villes des Abruzzes se trouvaient anciennement de nombreux centres dentelliers, avec entres autres Pescoconstanzo, Aquila et Gessopalena.

Tous copiaient la dentelle de Milan, mais se distinguaient aussi les uns des autres par une dentelle aux fuseaux à fil continu plus originale.

La dentelle de Pescoconstanzo, une dentelle aux fuseaux du type torchon, s'ornait de dessins variés : des animaux, des fleurs et des symboles remplissaient le décor qui était relié par un réseau issu de la technique du torchon, ou par un réseau au point de Paris.

Grâce à l'appui de Mgr D. d'Eramo, cette dentelle fut connue et appréciée dans toute l'Italie et par-delà les frontières. Il attira sur elle l'attention de l'Europe e de l'Amérique, et même celle de la reine Margherita.

La dentelle d'Aquila, qui était particulièrement soignée, était principalement l'œuvre de couvents. Elle était faite de lin fin, mais ses motifs souvent empruntés à la broderie et non adaptés à la technique dentellière, lui donnaient un aspect plus rustique et plus naïf qu'artistique.

Gessopalena s'en tenait à une dentelle aux fuseaux fine et à bord droit, donc le décor avait un caractère plutôt folklorique. Au début du XIXe siècle, Offida était célèbre pour sa production de dentelle d'art.

La dentelle en Sicile

dentelle Sicilienne

La Sicile a de tout temps été réputée pour son activité textile : burattos, sparteries arabes et étoffes de soie. On y réalisait avec beaucoup de raffinement des textiles très célèbres en broderie à fils tirés qui ressemblaient de façon frappante aux spécimens catalans et andalous. Messina se spécialisa en filet brodé et, dans sa prison, au XIXe siècle, on copiait également de la dentelle antique aux fuseaux et des broderies à fils tirés.

En 1903, lors de la grande exposition de Milan organisée à l'occasion de la fondation de l'Industrie Femminili Italiane, la Sicile exposa quelques pièces exécutées selon la technique des fils tirés, dont la structure était inspirée de textiles historiques du musée de Palerme.

Vu sa situation géographique, il est possible que la Sicile, oubliée depuis longtemps, ait été un centre dentellier plus ancien que Venise. Les siciliens avaient des contacts avec les cultures tant occidentales qu'orientales. L'île était un centre commercial et les produits textiles y occupaient une place importante. On retrouve des dentelles dans les inventaires siciliens dès la fin du XVIe siècle et leur mention est souvent suivie de la notice fatto in case, faite à domicile.

Parmi elles aussi et fréquemment de la dentelle métallique. La Sicile réalisait des bandes de dentelle à fil continu, et un réseau proche de la dentelle de Malines, en fils d'or et d'argent. Comme dans le reste de l'Italie, on y faisait des variantes de la dentelle de Milan, cataloguées sous le nom équivoque de Ragusa.

C'est surtout au cours des deuxième et troisième quarts du XVIIIe siècle, au moment où la dentelle artistique italienne de grande qualité dut s'incliner devant la dentelle française et où on s'appliqua au travail de la dentelle campagnarde destinées aux costumes régionaux que la Sicile réalisa, outre des textiles à fils tirés, du filet et de la buratto, de grandes quantités de cette dentelle.

On y faisait aussi de la puncetto et du torchon exécuté aux fuseaux sans patron, directement sur le carreau. Vers la fin du XIXe siècle, la dentelle devint éclectique: elle perdit son style traditionnel, en partie parce que certaines techniques enseignées n'avaient plus rien à voir avec la tradition.

Choisissez quel type spécifique de dentelle vous correspond le mieux

Comme nous avons pu le voir au travers de ce récit, certaines techniques de fabrication de dentelles ont évolué, d'autres ont perduré, et se pérennisent encore à l'heure actuelle, du fait de la tradition, et du succès que celles-ci continuent à susciter.

Vous êtes désormais en mesure de discerner les différentes catégories de dentelles, en fonction de leurs motifs, des techniques employées à leur fabrication, ainsi que du type de fond employé, et vous êtes donc désormais, à même, de sélectionner le type de vêtement orné de dentelle qui correspond le plus à votre personnalité.

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